Elise et Antoine

Bien avant d’apprendre l’arrivée future de notre bébé, il était évident pour nous d’accueillir ce petit être à la maison : pour éviter la surmédicalisation, pour être entourés des sage-femmes qui nous auraient accompagnés lors de la grossesse, et surtout, parce que nous ne considérons pas l’accouchement comme une maladie ou un problème a priori.

Le terme est prévu pour le 16 septembre. Dès la fin du premier trimestre de grossesse, nous contactons et rencontrons E. qui nous suivra jusqu’à l’accouchement, sur le plan médical, certes, mais surtout sur le plan humain. Elle nous informe rapidement qu’elle exerce avec N. qui sera probablement présente lors de notre accouchement, si cela ne nous dérange pas.

Après plusieurs séances de relaxation, visualisation, massage… et préparation logistique, je sens le grand jour approcher : les nuits comme les journées commencent à être ponctuées de fréquentes contractions. La nuit du 6 au 7 septembre, vers 3 h du matin, je me lève car les contractions qui me compriment le diaphragme m’empêchent de dormir. Toutes les 15 minutes environ, elles commencent à être douloureuses mais je ne pense pas encore à l’accouchement car voilà plusieurs jours que ça travaille, alors pourquoi serait-ce le bon jour ? Vers 6 h, les contractions se rapprochent, toutes les 5 minutes et m’obligent à me plier au sol ou sur le lit pour les traverser. J’en informe Antoine et lui dis qu’il serait préférable qu’il attende un peu avant de partir travailler (à 45 minutes de route de la maison). Je prends alors conscience de l’intensité des contractions, et surtout de la douleur qui les accompagne, et qui les distingue de celles des jours précédents. Je m’installe sur le ballon vers 8h et les contractions sont beaucoup plus gérables ; je les accompagne des « aaaaaa » et « ooooo » appris pendant la préparation à l’accouchement, en visualisant un ancrage vers le sol. A 9 h, nous appelons E qui nous questionne sur l’intensité et la fréquence des contractions. Nous enregistrons alors une contraction d’environ une minute toutes les quatre minutes. Nous refaisons le point par téléphone avec E. à 9h30. Et c’est N. qui nous rejoindra dans un premier temps. Elle arrivera à 11h.

Pendant ce temps, Antoine a tout préparé dans le calme : bâche, drap et alèse sur le lit et le canapé, serviettes de toilette à disposition, piscine d’accouchement… Il affiche l’incroyable sérénité de l’homme bien préparé qu’il est à la venue de ce premier enfant.

N. est arrivée. Elle constate que je suis très en forme et souriante entre les contractions. Celles-ci viennent de s’espacer un peu. N. me propose donc de contrôler mon col (premier contrôle de toute ma grossesse, car je n’en avais pas ressenti le besoin jusque là). Il est déjà bien effacé et il reste une petite épaisseur. Elle pratique un massage du col qui s’avérera assez efficace pour relancer le travail : les contractions reviennent avec une intensité supérieure et nous allons nous promener dans le village pour favoriser le travail. Il fait un temps magnifique. Après avoir déjeuné ensemble, nous resterons dehors au soleil à discuter et à marcher pendant deux heures. J’accueillerai même quelques contractions suspendue à l’écharpe de N. attachée dehors à une poutre du chalet. Vers 15h, N. me propose de contrôler à nouveau mon col. Il est ouvert à 4.

Un nouveau massage du col et le travail s’accélère d’un coup : je traverse quelques contractions au sol en appui sur le ballon ; elles me vident littéralement de mon énergie et ne me permettent plus de plaisanter entre les contractions. Je demande à Antoine de remplir la piscine d’accouchement dans la cuisine. 10 minutes après le massage du col, à quatre pattes par terre, je suis prise de tremblements pendant quelques minutes. Puis je perds soudain les eaux sur le plancher de la cuisine au cours d’une forte contraction ; le liquide est légèrement teinté. La panique m’envahit, les larmes montent car je comprends que l’arrivée du bébé est imminente. J’ai maintenant viscéralement besoin de mon homme auprès de moi. Je m’y accrocherai de toutes mes forces jusqu’à la naissance du petit, comme si je redoutais la solitude pour cette dernière phase de l’accouchement.

J’entre dans la piscine pour la poussée. C’est désormais mon corps qui pousse à chaque contraction. J’ai tantôt trop chaud, tantôt besoin de m’asperger d’eau chaude dans le dos. N. contrôle régulièrement le cœur du bébé. Au bout d’une heure ainsi, et malgré les encouragements de N. et de mon homme, le bébé ne se montre toujours pas. E. arrive dans le calme, respectant l’ambiance de la maisonnée. Elle me suggère d’essayer de changer de position et de venir sentir la tête de mon bébé, toute proche de la sortie. Le travail avance de nouveau. Mais c’est si long ; j’ai l’impression que jamais mon bébé ne réussira à sortir. Finalement, au bout d’1h45 de poussée, la tête sort dans l’eau au cours d’une contraction qui me brûle. Je suis vidée de toute énergie, j’ai l’impression que les choses se sont arrêtées. E. m’intime alors de me redresser et de faire sortir le reste du bébé. C’est la première fois que je dois initier la contraction en poussant volontairement. Mais il le faut : je pousse donc et la contraction suit, faisant sortir le reste du bébé, à 17h12. Je m’assois dans la piscine, E. me donne le petit, tandis que je suis envahie par le bonheur, et soulagée d’y être enfin arrivée (sans aucune déchirure d’ailleurs). Environ 20 minutes plus tard, une première contraction revient, je m’accroupis, puis une seconde et le placenta sort d’un coup, entier. Le cordon du bébé ne sera coupé qu’au bout de 2h, et le premier bain donné le 3ème jour. E. restera dans les parages toute la nuit et reviendra même nous voir vers 2h30 du matin, pour nous aider à faire téter le bébé. Malheureusement, ce n’est qu’au bout d’un mois et après 3 séances chez un ostéopathe spécialisé que l’allaitement se mettra finalement en place.

Nous ne remercierons jamais assez ces deux formidables sage-femmes sans qui nous n’aurions pas pu vivre cet instant magique à la maison. Nous avons été intégralement respectés, et rien ne nous a été imposé. En bref, comme je le dis depuis à qui nous le demande : cet accouchement n’aurait pas pu mieux se dérouler de façon naturelle.

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